Bancs de sable et …

janvier 8, 2009 dans Des Nouvelles de Miss Terre, Deuxième voyage par Eric

C’est accompagnés de Mame Mor, coordinateur pour VSF pour la région du Siné Saloum, que nous quittons Dakar le 30 décembre.

Nous sommes attendus vers le 5 janvier en Casamance pour suivre la mission Anima du Dr. Menguy.

D’ici-là, le voilier Coriolis, qui participe à cette mission, et nous sur Miss Terre, planifions un arrêt dans le Siné Saloum pour voir ce qu’y ont fait les médecins de Voiles Sans frontières.

Mame Mor, enthousiaste, propose de nous accompagner et en profitera pour revoir sa famille avant la nouvelle mission VSF du 9 janvier.

 

Mais le Siné Saloum a beau être un fleuve assez tranquille, la navigation reste la navigation et en bateau, l’aventure nous guette à tout moment ! La navigation de Dakar à l’embouchure du fleuve salé s’avère être un véritable champ de mines entre les centaines de petits filets mal balisés. Il y a du poisson en effet, fait confirmé par la pêche providentielle d’une liche de 3 kg. Vu notre habituelle malchance en la matière, on soupçonne Mame Mor d’avoir caché un grigri pour la pêche…

Fin d’après-midi, nous pénétrons par la passe de 3m pour le Sine Saloum à hauteur de Djifer. Jusque là, tout va bien, même si on a l’impression d’y aller à l’aveuglette : d’après notre logiciel de navigation, nous sommes passés sur la terre ! Pas d’autre choix donc que de se fier à Mame Mor, qui a déjà accompagné plusieurs voiliers ici. Reste que Mame Mor a plein de qualités et beaucoup de bonnne volonté, mais qu’il n’est pas marin… Le Siné Saloum est naviguable, certes, mais des bancs de sable traîtres et changeants demandent beaucoup de précaution.

Igor se méfie mais ne pouvant se fier non plus à nos cartes, pas d’autre choix que de suivre Coriolis sur lequel Mame Mor a été « transvasé ». Coriolis n’a que 1,10m de tirant d’eau et devrait avoir le temps de nous prévenir lorsque les fonds remontent à 2 mètres.

C’est, du moins, la théorie. En pratique : Coriolis bifurque à bâbord pour rejoindre le mouillage de Dionewar, village de Mame Mor. A peine engagé, je le vois me faire des signes, calmement. La radio étant allumée et ne décelant pas de panique à bord de Coriolis, je ne réagis pas immédiatement…mais en réalité, Coriolis vient de s’échouer. Il s’en sort par la puissance de ses deux moteurs. Entre-temps, nous avons mis la marche arrière, mais comme tout bon quillard, notre Miss part dans le sens inverse de celui qu’on lui indique tant qu’elle n’a pas de vitesse.

Et de vitesse, elle n’en prendra pas puisqu’en moins de 30 secondes depuis le virage de Coriolis, nous sentons Miss Terre se heurter à un banc de sable dans une secousse lugubre. Tous les 60 cv de la Miss n’y font rien, nous voilà bel et bien plantés dans un banc de sable. Coriolis nous rejoint côté « profond » et confirme qu’à 3 mètres devant nous, il y a 3 mètres de fond ! Ce serait ridicule si ce n’était pas aussi stressant. Coriolis propose de tenter de nous tirer… avec nos 140 cv cumulés, peut-être que… mais à peine commence-t-il à nous tirer, que Yann lève les bras au ciel d’un geste désespéré : il a en réalité bloqué un de ses deux moteurs pendant son échouage !

Le tableau s’assombrit à mesure que la nuit tombe : Miss Terre est plantée face au large, par marée montante, et Coriolis n’a plus qu’un moteur. Ce serait drôle si ce n’était pas aussi dramatique…

Deuxième option alors qu’un clapot se lève à mesure que la marée monte : Coriolis met le zodiac à l’eau pour tenter de nous faire gîter en tirant sur une drisse en tête de mât (pour les non-marins : en tirant perpendiculairement le haut du mât avec un corde pour que le bateau penche…). Mais rien n’y fait, Miss est bien plantée.

Il fait désormais nuit noire. Mame Mor est tétanisé par la situation et peut-être un peu par les cris du capitaine qui ne s’arrête pas une seconde. On va mouiller une ancre bien loin devant avec le Zodiac pour éviter que Miss Terre ne monte plus encore sur le banc avec la marée et le clapot. Le sondeur indique 0,7 mètres par moments ! A chaque fois que Miss gîte un peu avec l’eau ou la brise, nous tentons de l’aider à sortir de là avec le moteur. 2h30 durant, on se bagarre pour ne pas laisser notre belle Miss sur ce banc, pour que notre exploration du monde autrement ne s’arrête pas net, le bec dans le sable. Ailleurs sur le fleuve, il suffit d’attendre que la marée monte. Ici, à l’ouvert de la passe de l’embouchure du fleuve, la marée montante ne peut qu’empirer notre situation en nous poussant plus loin sur le banc. Mame Mor contacte un de ses amis, Samba, qui est pilote de la pirogue de l’hôtel de Dionewar. Il doit pouvoir nous aider ! Mais c’est alors qu’une brise providentielle se lève. Ni une ni deux, le capitaine a hissé et bordé à bloc grande voile et génois, et alors qu’il tire des bords en couchant le bateau, je remonte petit à petit la chaîne. 5 minutes plus tard, on peut enfin crier sa joie ! Miss Terre flotte à nouveau ! C’est à ce moment-là qu’arrive Samba, qui propose de nous guider dans le noir vers un mouillage facile d’accès et bien abrité. Le même Samba qui le lendemain embarque sur Miss Terre pour nous guider autour du banc de sable qui nous a eu la veille. Avec l’assurance de l’expérience et un sourire continuel, il nous guide, rassurant, dans ce labyrinthe où il a grandi. Pas de mystère pour lui, un baobab en dit autant qu’un panneau d’indication routière pour nous. 31 décembre, 16h, on mouille dans un endroit idylliquement calme.

Plus de peur que de mal pour Miss Terre (juste le phare de navigation tribord avant qui s’est perdu dans la tourmente), mais plus de mal que de peur finalement pour Coriolis, qui va devoir réparer une partie de son moteur bâbord. Le providentiel Samba intervient encore pour bricoler dès le lendemain une pièce pour le moteur. La liche nous attend sur le barbecue, et Coriolis débouche même le champagne. Le calme de l’endroit contraste avec la veille… on en aurait presque oublié de fêter l’an neuf ! Lire la suite : … et menues aventures humaines

Suite des menues aventures dans le Sine Saloum à notre retour de reportage avec Anima