Un vendée-Globe…autrement ?

juin 13, 2008 dans Des Nouvelles de Miss Terre, Deuxième voyage par igor

Loïc est en tête, machin a démâté, chose aussi mais repartira lui après avoir mâté à neuf… Tous, nous admirons ces héros des temps modernes, des héros qu’ils sont pour de vrai.

Assis à ma table à cartes, je scrute les fichiers grib et écoute RFI, comme eux, aux mêmes heures qu’eux, mais je suis bien content de ne pas être au même endroit qu’eux !

Je fais route vers les Canaries, depuis Rabat. J’ai cassé le tambour de mon enrouleur et ma poulie de hale-bas de tangon. Faut que je les remplace, sinon je devrai abandonner la course, ça, c’est sûr.

Nous sommes partis de la superbe marina du Bouregreg, à Rabat au Maroc,à l’étale de marée base pour avoir le moins de vagues possible. En ce jour de faible houle de NW, il n’y a pas à dire, le port n’est accessible que par houle très modérée, voire pas de houle du tout !C’est dare-dare, moteur à fond que nous avons franchi une première barre déferlante avec les pêcheurs du coin habitués à choisir le bon « train de vagues ». c’était sans savoir qu’il y en avait une autre. Les pêcheurs eux, se mettent à l’abri du brise-lames dans 2m de fond. Après une brève hésitation, je me remets face à la lame, moteur à fond pour passer les rouleaux. ON a eu chaud ! Enfin sorti sur un océan finalement fort calme, j’aperçois le pilote de la marina qui arrive pour me féliciter ou me dire que je suis fou, je ne sais plus très bien. Le bateau Nuage, qui nous a vu travers à la lame, a fait demi-tour et préfère tenter la sortie à marée haute. Nous voilà donc en mer, en route vers les Canaries avec notre bolide. Notre seul concurrent étant resté au port, c’est donc en tête de course que je mets le spi dans ce petit air pour rejoindre le grand rail atlantique.

 95.000 EUR, c’est le prix de la grande voile de Machin…c’est le prix de mon bateau, et encore, à condition que je refasse des cosmétiques. Dingue non ? Diane et moi vivons à bord d’un voilier (presque) comme des riches, alors que d’autres n’achètent qu’une voile pour le même prix. Oui mais, ils vont plus vite…ça c’est sûr, et le temps, c’est de l’argent. C’est donc pour ça qu’on est condamné à naviguer à une vitesse de 6 noeuds en espérant se faire plaisir ? Car c’est bien ça le but, non  ?

   

Le vent forcit, on s’écarte de la zone côtière qui forme le détroit de Gibraltar. J’affale le spi et tangonne le génois. Un génois tout neuf, acheté à Port-St-Louis à Georges sur Sisyphe à 200 EUR. Il est un peu léger, mais à ce prix-là… quand je pense à la voile de Loïc, je tique ! Je me souviens de ce temps où mon métier était de « mener les gens en bateau ». Skipper… j’étais sur l’eau 6 mois par an à naviguer, et regardais de haut tous ces plaisanciers que je laissais au chantier au printemps pour les retrouver au même endroit en fin de saison à bricoler, trois bouts devaigrage plus loin. Maintenant, je vis sur mon bateau avec l’équivalent de mon budget téléphone de l’époque, et je comprends bien que le temps c’est de l’argent !Alors, quand je pense à Loïc, je tique. Quand je pense à Bertrand, je me dis que vivre sur un bateau c’est fait de bric et de broc, sinon faut gagner du temps, et de l’argent.

Qui nous a tous fait rêver de prendre le large, de larguer les amarres ? Spontanément, on en revient toujours aux mêmes voyageurs mythiques, un peu baba cool, évidemment. Alors bien sûr que j’admire le contrôle de ces coureurs ont sur leur formule 1 de la mer, mais mon attirance et mon coeur penchent plutôt pour ces gens anonymes, croisés en voyage sur leur globe-flotteur. Ceux que l’on n’appelle jamais « l’extraterrestre » parce qu’ils sont obligés de remâter au mouillage sous le vent d’une île…

   

L’exploration du monde autrement, un vendée-globe autrement. Les éléments sont les mêmes, les moyens diffèrents. Et le but ? C’est sans doute le même : trouver le bonheur… Qui arrivera en tête de ce challenge-là ?

Je rêve d’un globe challenge éthique. Un globe challenge où la construction des voiliers serait issue d’un commerce équitable, d’une industrie propre, pour mettre sur l’eau des engins à vivre en symbiose avec la nature et les éléments, l’essence de leur voyage : le nouveau challenge du globe !