Açores-Brest : un retour au bercail alternatif…en continu !

août 30, 2010 dans Des Nouvelles de Miss Terre, Deuxième voyage par igor

Déjà bientôt la mi-août, un mois que nous sommes aux Açores à pédaler joyeusement pour certains (qui vont mieux !), à cracher tripes et poumons pour moi, ça grimpe dure par ici (voir diapo ici). Mais mes vacances longue durée sont bientôt finies, début septembre je reprends le taf, faut faire un choix : avion ou traversée on the boat. Igor veut rentrer aussi : on the boat est choisi.

Nous avons quitté Faial, puis Sao Jorge et nous nous rendons sur Graciosa y préparer notre futur retour, l’avitaillement est fait, sauf les cigarettes volontairement (3 paquets pour 2 pour 2 sermaines c’est peu !), nous attendons la fenêtre météo pour viser Brest et le Nordet continuel depuis plusieurs jours nous nargue….Brest ou Gibraltar ? On choisit Brest…

Bref, on part, tout va bien à bord, l’équipage est radieux, Tamam moins mais bon…le bateau file au près dans un petit clapot moyennement confortable mais le temps est beau, la température encore agréable…

Le premier soir venu, la terre est loin derrière maintenant, Igor, en skipper avisé, décide d’allumer le moteur pour recharger les batteries avant la nuit…1heure de ronron, petit coup d’oeil au mano de charge, gasp…l’aiguille n’a pas bougé !

Branle bas de combat, sortez vos frontales et voltmètre, déposez les bannettes pour dégager les batteries et s’engage alors une longue série de tests et retests pour comprendre d’où k’ c’est k’ça vient, les batteries ne chargent pas ! Faut se rendre à l’évidence, l’alternateur a vécu, il est naze et nous lâche au bien mauvais moment…

Dilemne : une journée de mer pour retourner à Horta et essayer de trouver la pièce, ou la commander + délais de livraison, réparer et repartir ? Trop tard ! Mes vacances seront finies, si on fait ça, moi je dois rentrer en avion…

Ou alors ? Ben on continue comme ça, en comptant sur le panneau solaire s’il fait beau et économie maximum : pas d’éclairage, de frigo, de douche, d’instruments de nav (1 point gps par jour pas plus), météo à l’ancienne…et surtout, le pire, pas de Raymond ! Et des quarts de 6h à la barre sans pouvoir vraiment la lâcher, c’est long !

Bon allez, on est des marins quoi, on va pas se laisser impressionner par ça ! Allez gogogo, on continue…2 jours plus tard, les cigarettes c’est fini, yen a plus, dur dur…la tension monte de temps en temps, l’équipage est parfois irascible !

9 jours comme ça, à remonter cap au 10/15° au mieux dans un léger voire absent nordet, parfois louvoyer, pour aller chercher les vents d’ouest, mais il faudra monter jusqu’à la latitude de Brest pour enfin les trouver…

Reste 300 nm à faire et enfin les voilà, d’abord on précède un front avec du SO que l’on essaye de pas lâcher mais qui finit par nous dépasser, le ciel se couvre, il pleut dru,  les vents tournent NO, ils sont pas trop forts mais quand même, un bon 6Bft, la barre et les bras durcissent, et le bateau et le rythme cardiaque accélèrent, les ris tombent. 6h de quart c’est vraiment long, surtout la nuit ! Mais 6 h de sommeil derrière c’est vraiment bon ! L’angoisse monte à mesure qu’on approche de Brest, peur de ne pas pouvoir démarrer le moteur pour les dernières manoeuvres.

Peu de rencontres durant cette traversée: un voilier au loin dont nous croisons de temps en temps la route, un cargo qu’on aurait bien arraisonné pour quelques cigarettes, un porte-câbles filant sa pelote, une baleine, un autre cargo qui attend sans bouger on ne sait quoi, c’est tout, jusqu’au rail d’Ouessant…Pendant son quart Igor décide de s’y arrêter, histoire de se synchroniser avec la marée pour rentrer  à Brest et profiter du spectacle (?), un cargo passant devant, un autre derrière puis ça recommence, chouette !…

Le spectacle durera peu longtemps : vite repérés par je ne sais quelle administration, un bateau vient à notre rencontre, et VHF et projecteur à l’appui, nous demande de dégager de là fissa…on fait…

Et voilà, 12 j après le départ de Graciosa ( loin d’être un exploit !) nous doublons Ouessant et débouchons au petit matin en mer d’Iroise, crachin, brume et trafic habituels. Une étrange émotion à laquelle je ne m’attendais pas m’envahit à l’approche du petit minou…je l’ai faite cette première traversée, pas facile en plus, mais belle ! Un vieux fantasme, un souvenir à jamais, une fierté toute intérieure aussi. Le moteur démarrera, ouf et on accostera pour le déjeuner au moulin blanc. Premières récompenses : une grosse bière fraîche et des cigarettes !

Merci Missterre le bateau, un bon bateau, fait pour ça…Merci Igor, un bon marin, fait pour ça ! Tu es rentré, tu vas pouvoir prendre le temps et repartir d’un bon pied, te réparer…

Avec toute mon affection.

Eric