Une croisière au yaourt et tsatsiki

juin 30, 2017 dans Des Nouvelles de Miss Terre, Quatrième voyage par igor

Une séquence émotion pour la traversée de la méditerranée… 
Ou, bee a crew experience, beta one.

Bonjour à tous, voici des nouvelles Nouvelles de Miss Terre.
J’ai voulu plein de fois donner des nouvelles de Miss Terre comme je faisais avant, mais, ayant décidé de re-partir de moi, pour moi, après deux années à Bruxelles à tenter un projet d’économie collaborative avec des « terriens », j’ai décidé de revivre autrement à ma manière : vivre d’amers et d’eau salée. Ici, j’apprends à simplement « être moi ». Vraiment moi. Pas ce que je pense qu’on attend de moi, ou ce que je pense que je représente. ÊTRE MOI, ce n’est pas si facile, en fait, de « commencer par soi-même ce changement que l’on souhaite pour le monde » .

Alors enfin, après ces silences sur le site, voici juste ce qui me vient sans penser devoir vous donner un message … pour vous dire que « vivre autrement » est possible. Juste « être moi », hors de mes idées et convictions. Voila un premier jet, pour moi ; avec vous, si vous le voulez.

Voici une petite histoire de trois semaines à la voile entre Marseille et la Grèce… une croisière aux émotions intenses, aux sensations parfois désagréables…

MissTerre a retrouvé la Grèce il y a quelques jours. 

Après un bon mois de travail sur le bateau, après avoir accepté que je ne pourrais pas améliorer la Miss mais juste faire ce qu’il faut pour qu’elle navigue à nouveau. Après avoir pensé faire ce voyage seul avec moi-même, puis avoir cherché quelques équipiers, j’ai finalement décidé de faire ces 24 jours de mer  pour 900 Milles nautiques ( un peu moins de 1800KM ) avec Julie.

Julie cherchait à faire une retraite de méditation, dans l’idée d’apprendre à être mieux présente pour elle dans l’ici et maintenant. Je lui ai alors proposé de tenter cela dans l’action hors toutes connections avec la terre, en mer à bord de Miss Terre.

Un programme aventure, dans l’action et l’engagement, pour donner du sens.

Cette décision a été prise suite à un stage de pleine conscience suivi chez Emergences à Bruxelles. Ils réalisent des stages basés sur la réduction du stress, MBSR (mindfullness based stress reduction – voir leur site emergences.org.) 

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J’ai appris chez eux qu’il ne suffit pas de savoir comment se changer pour vivre ce moment présent, il est essentiel d’apprendre à le ressentir. C’est un long chemin.

Leur travail me semble en effet essentiel pour apprendre à ressentir « autrement » le bénéfice réel de nos échanges humains ( ou transaction ). Je reviendrai probablement, là-dessus plus tard, car certains formateurs de l’association viennent à bord, et ça me fait plaisir.

« Bee a crew experience » part one !

Fort de cette expérience méditative, nous avons pris le soleil, la mer et le vent et tentés d’être présents et hors connexion avec la Terre, pour « être là » pour soi et en lien, vivre ensemble avec un but commun: s’embarquer dans le même bateau; être « un » équipage.

Et nous nous sommes confrontés à cet environnement parfois difficile à vivre de ceux qui sont vivants et en même temps en mer. Faire face aux Éléments naturels imperturbables et changeants, entre calme plat et ouragan, toujours …sans concession.

Pour apprendre ces concessions qui font de nous des humains et donnent le sens à nos vies, nous avons pris le temps de partager le présent. En parlant, apprenant à se dévoiler, se livrer, se délivrer. Faire confiance, pour de parfois « houleuses » discussions… fort intéressantes. Car, dans ce grand bleu, sur cette coque de noix, il n’y a pas d’échappatoire, il faut agir et penser commun.

C’était un beau et grand voyage, dont le défi d’ « être là » ici et maintenant était confronté à … y arriver dans les temps ! Bref, aussi se projeter dans ce futur obligatoire selon les capacités de chacun pour cet équipage réduit.

Les météos de pleine tempête, nous ont infligé de prendre la fuite.

A peine arrivés dans les bouches de Bonifacio, après 48h de nav., nous avons dû repartir illico presto pour éviter le mauvais temps prévu pour le jour d’après.

Profitant des 35 nœuds de vent établis dans les Bouches et le nord de la mer Tyrrhénienne, nous sommes  arrivés deux jours et trois nuits plus tard,  toutes narines ouvertes, dans la forte odeur du soufre de l’île Vulcano, au nord de la Sicile pour un one night stop. 

L’Action : Tourmente entre Charybde et Scylla 

Nous sommes repartis, après avoir vu les thermalistes tremper dans leur bain de boue nauséabond,  pour le détroit de Messine et les tourmentes de Charibde et Scylla ! ( courants marins qui effrayaient les navigateurs d’antan – sans moteur -,  devant passer ce détroit de moins d’un  mille de large ). 

Équipés d’un bon moteur de 60cv et sans trop de vent, notre tourmente fût plutôt la souffrance de Julie se brûlant le pied

au lait bouillant dans une tentative de faire du yaourt face à ces tourbillons de petites vagues imprévisibles.

Nos attentions furent directement focalisées sur le problème : « prendre son pied » au sérieux… Ou pas? ….médecin – hôpital .. ou pas? Payer le port à 60€ la nuit de Réggio di Calabria et risquer d’y rester bloqués plusieurs jours, ou « penser » plutôt que ça ira. 

Avec un bon pot de Flamazine à bord, et le fameux bouquin « urgence à bord que faire? », nous avons décidé de continuer et reprendre le large illico pour la Grèce vers la petite île de Othoni ; première destination grecque à trois jours de là.

L’engagement : C’était « gonflé » d’avoir pris cette décision de repartir.

Trois jours de haute mer…

J’ai bien tenté de dire à Julie, lors de cette traversée que ce n’est que de la douleur, que ça allait passer. Que finalement, il faut simplement faire les soins, pour réponde au problème sans trop se focaliser dessus….Méditer un peu là-dessus aussi… Que finalement, la souffrance n’est que l’attention et le jugement que l’on accorde à la douleur …(Si si je vous assure je l’ai lu dans un livre ). Rien n’y fît, nos inquiétudes réciproques dirigèrent nos discussions, enflant un peu le problème, sérieux toutefois (brûlée au premier et deuxième degré par endroit le pied de Julie gonflait sans avoir besoin de nos discussions …).

Les premiers vents catabatiques.

Arrivés à Othonis, mis à part trois bar-estatorio, pas de docteur ni de pharmacie ou dispensaire médical. Fatigués, nous décidons alors de repartir le lendemain pour Corfou.

Cette petite île tranquille d’Othonis est sujette aux vents thermiques violents de la tombée du jour. Ces vents catabatiques naissent dans les vallées ouvertes vers la mer.   En fin de journée, la terre ayant chauffé toute la journée génère un courant d’air chaud augmenté par la compression de la forme de la vallée vers la mer et l’air plus frais qui y sévit rapidement dès la tombée du jour. 

Un couple de pensionnés allemands sur un voilier de location et un bateau Italien, ayant mouillé juste à coté de nous l’après-midi, alors que tout l’espace dispo était libre dans le petit port, nous empêchent de mettre plus de chaîne (le rayon d’évitage).

J’avais oublié que l’été surtout,  « la mer, c’est les autres » et qu’il faut bien « faire avec » comme on dit chez nous : accepter et prévoir, pour ne par vivre l’enfer.

Sans hésiter, empêché de mouiller plus long pour ne pas déraper,  je prends la décision de lever l’ancre et de me mettre à la côte. Tout près d’elle… Un peu trop près, dans des fonds de 2,4 m (Miss Terre cale 1,95m).

Le pied de pilote et le pied de Julie

Aussitôt, nos voisins dérapent et la valse des chaînes d’ancres se déchaîne au rythme des rafales. Bonne décision, captain Gogor. Mais j’ai alors passé une nouvelle nuit à mal dormir, à « penser » au « pied de pilote » (distance entre la quille du bateau et le fond,  moins de 50 cm plus bas), aux rochers vus la veille en plongée à quelques mètres et au pied de Julie; puis à ma responsabilité de skipper…

« Mais, bon dieu, j’ai juste envie de me reposer quoi… c’est pas juste, qu’est ce que j’ai fait pour mériter ça ». Cette petite phrase est fort intéressante, et me rappelle finalement que ces événements ne sont que des événements, et que je peux choisir de les utiliser comme un champ d’expérience pour me construire, ou ….encore me plaindre….Bref à moi de choisir…

Le problème est que ces réactions reviennent tellement souvent… Mais voyons voir à propos du problème.

Au matin, mal réveillé, nouveau problème : un faux contact électrique à l’écho sondeur ! Cet appareil particulièrement essentiel pour indiquer la profondeur sous la quille ( le pied de pilote) et ne pas échouer, n’indique plus rien ! Sauf en regardant de tout près hors des reflets du soleil.

Chouette encore un problème…ou, ho non, c’est pas juste? 

Il ne faut pas traîner, sans voir les fonds au sondeur, c’est dangereux. Il faut agir et répondre au problème, sans paniquer. Voici donc pour moi le moment de mettre en pratique ces petites choses que j’ai apprises à reconnaître sur mes pensées, émotions, sensations, et sentiments.

Tiens, voilà l’adrénaline qui vient, ce petit signal me prévient de l’urgence. En fait, je reconnais bien ces moments de toute cette vie d’aventure. Maintenant, j’apprends à les accepter lucidement sur le moment. Je me fais une petite respiration, observe, m’observe, un instant, et replonge dans le bain; je prends la barre, et donne le sens que je veux.

Avant ce stage Emergences, trop souvent, je traitais ces problèmes qui font que l’enfer c’est les autres, ou, le sort, l’injustice etc… comme un coup de feu dans un restaurant… j’ai appris à ressentir ce que pourtant je pensais bien déjà savoir…. il ne suffit pas de savoir, il est essentiel de pouvoir; pour ça ce long chemin est d’accepter et d’apprendre, pour ensuite en jouir… (je me sens de mieux en mieux dans mon idée d’un autre PIB plaisir intérieur brut).


Bref, en fait, c’est super, car sans problème, pas de solution !

Soit, comme disait Nicolas Hulot, « séquence émotion, sensation » j’y réponds tout de go : action et engagement : dégager d’ici au plus vite.

Quelques heures de nav. plus tard, après un bon déjeuner en mer sous voiles, arrivée dans la petite calanque de Ay Stéphano sur l’île de Corfou, Julie embarque dans une voiture de vacanciers français pour sa visite médicale au village d’à côté.

200 € plus tard,  soit une bonne heure après tout compris, tranquillisée quelque instant, me voilà lors de l’apéro lui faire la critique de ce médecin de campagne mercantile, probablement incompétent, car il n’a pas prescrit la sacro sainte Flamazine qui pour moi est le seul bon remède, et je m’y connais – car, moi je sais, je connais le problème ! (il fût un temps où l’on m’appellait Capitaine Flam, j’ai l’expérience savez-vous…/ à voir sur missterre.org )

Rien ne va plus.  La peur que la situation s’enflamme vraiment s’installe à nouveau !  Je m’en veux. Je parle trop… pourquoi je dis que je connais? …Mon pauvre Igor… tout allait bien, l’eau était turquoise pourtant, Julie était apaisée…

Pour donner du sens :

En fait, cette démarche vers Julie, présente ce paradoxe de l’aide ( et peut-être aussi de l’humanitaire en général ) : « Je pense que je sais », car j’ai vécu l’expérience, j’ai appris. Alors, je pense que je suis capable de donner; transmettre mon savoir pour aider. Mais mes connaissances sont-elles suffisantes pour ce cas là qui n’est pas le mien ? Ceci me fait penser à l’action d’une petite ONG, que j’ai rencontrée en Casamance. Celle-ci construisait un pipeline pour éviter un jour de marche jusqu’à la source d’eau pour faire gagner du temps aux gens du villa

ge. Mais, ceci sans prendre le temps d’apprendre que le mercredi était le jour où les femmes se retrouvaient ensemble pour partir chercher de l’eau… à être heureuses ensemble, danser et chanter, laver le linge, un jour par semaine.

Elles n’avaient rien demandé. 

J’ai l’impression, qu’à chaque instant, ce monde se répète sans cesse tant pour moi que pour tous…. mais je ressens tout ça de mieux en mieux…

Jean (le Gab. ) avait raison : maintenant, je sais que je ne saurai jamais.

La vérité est ENTRE nous, c’est le lien – hors de nos convictions – savoir, doctrine, religions. C’est de ces différences que nous pouvons nous enrichir. Mais, (voilà encore ce que je pense savoir ;o) je peux vous dire qu’il ne suffit pas de le savoir…. apprendre à ressentir cela pour apprendre à se mettre en lien est notre défi à tous, un autre bénéfice pour le monde? … Alors, frissons? excitation? ça vous tente? Moi, j’y prends plaisir.

Finalement, arrivée à Gouvia, nous rencontrons un voilier belge et son équipage. je retrouve Willy, un équipier du temps de mes « croisières aventure med.  » . Nous sommes pris en main, comme en famille. Fortunato fait son bon cœur, et nous emmène en voiture vers l’hôpital, …intervention gratuite, professionnelle, …. rassurés, nous sommes arrivés à destination. 

Nous avons, aussi,  vu et navigué avec les dauphins, nous avons glissé sur l’eau, fait pousser et manger des graines germées, nous avons été dans ce grand bleu où tout était symbiose, mais ça… c’est pas marrant à raconter. Car comme disait, Calvin à Hobbes : Harmony is boaring.

 

PS : ce midi, je mange du tsatsiki ! j’ai moi-même fait bouillir le yaourt, mais Julie a fait le tsatsiki avant de partir. Son pied va de mieux en mieux et sera bientôt guéri. Merci Julie pour ce moment de vie riche que nous avons partagé.

Welcome on board à Pierre, Frédéric, Eliza, Sarah, Ozan, Caroline, Marc et les autres pour les prochaines séquences émotions, sensations, de Miss Terre, cet été.

«  bee a crew experience » beta one is open !

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