Des routes solidaires aux routes solitaires…

avril 15, 2010 dans Des Nouvelles de Miss Terre, Deuxième voyage par igor

Extrait du livre de bord, Brésil / Antilles avril 2010…

 

Miss Terre mon petit voilier que je dédie à la rencontre des hommes et leurs idées pour construire un monde meilleur, file bon train par 6,3 Noeuds au grand largue.

Voici maintenant 9 jours que Miss Terre a passé l’équateur pour la seconde fois. Mais cette fois-ci de Atlantique Sud à l’Atlantique Nord.

 

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J’écris depuis la table à carte, par 09°55′ N et 54°44 W en route vers les Antilles.
Tout va bien à bord !

 Tout va bien à bord, à part que le spi est mort, déchiré dans un grain au petit matin (Gogor mal réveillé); sauf que la cadène d’étai s’est coupée net sectionnée en deux aux pliages, à près de 400 miles de Belem, premier abri convenable au vent en Amazonie ! Mais j’ai bricolé un système qui tiendra bien les 1600 miles restants ; la soudure sera obligatoire aux Antilles; on ne perdra pas le mât. (Enfin, j’espère !)

Tout va bien à bord, on a pêché deux bonites, et un sabre ; fait des sushis, du thon coco à la Tahitienne…. on a passé le pot au noir et ses grains, et ses calmes et sa chaleur étouffante. On vogue avec un vent frais d’alizés vers la grande Caraïbe! Vers notre nouveau Monde ! Mais..

Rupture et déchirure

Tout va bien à bord, sauf que des routes solidaires auxquelles je dédiais le bateau avec Diane, je reste navigateur solitaire…. Le Brésil n’aura été pour le voyage de Miss terre que le théâtre d’une séparation. Voila que 10 ans de partage, de voyages et d’espoirs de construction pour l’avenir se déchirent comme un spi sous un grain, comme un livre non achevé, laissant ses pages illisibles pour apprendre, pour comprendre, pour partager mieux la prochaine fois.

Diane est partie pour être légère comme le vent, la quête d’ un « utopique » Monde meilleur la rendant maheureuse, préférant vivre le bonheur du jour. Trop dur, trop engagé, trop dans son projet le gogor.
Je me retrouve face à mes engagements et idéaux de partage, seul, perdu au milieu d’un océan atlantique de solitude, à chercher le vent, à comprendre sa légèreté .

C’est d’ici que j’ai décidé de réécrire, pour la première fois depuis 8 mois !!! Ici, comme un poisson dans l’eau, un glaçon dans un verre de pastis, (ou comme papa dans maman); bref là où je me sens bien; je suis à moi et… à vous cher lecteur.

Dépression hivernale (hiver 09/10)

Du fond de la couchette de mon pied-à-terre bruxellois l’hiver fut long, très, trop long. Mes cheveux blancs ont poussé, d’autres sont tombés,mes yeux se sont entourés de pochettes tristounettes.

Tout au fond de moi, comme une ancre à bascule bloquée sous des rocs indécelables, j’ai une petite voix qui m’appelle, m’attire et m’invite à poursuivre le voyage; à poursuivre mon exploration du monde autrement, l’exploration de l’humanité, l’observatoire du vivre autrement. Pour tenter de croire encore que le bonheur est dans le lien qui unit les hommes entre eux, plutôt que dans les biens qu’ils se transmettent, ou dans les coeurs qui se déchirent, éphémères face aux difficultés du parcours…

Comme une bouteille à la mer.

 

 

Voyageformum.com, le routard.com seront les hôtes de quelques messages laissés là cet hiver, dans l’espoir de nouveaux moteurs, de nouvelles rencontres. Et ça marche !

 

 

 

 

 Un nouveau départ …

Francfort airport,28 février 2010, Tammam ( l’enfant à 4 pattes de la famille dissolue) reçoit enfinle laisser passé du vétérinaire de la compagnie pour passer quelques heures en cage, en soute. ça y est je suis parti ! Une course folle aux papiers manquants, à la cage trop grande , au chien trop lourd, aux heures de transfert entre les vols Bruxelles-Rio et Rio-Récife m’obligeront à finalement louer une voiture en one way pour faire ce dernier millier de kilomètres, ça coûte cher un chien en voyage ! Mais au petit matin… là devant moi Miss Terre flotte toujours !

Jacaré Yacht village,

Arrivé dans cette petite marina à flan de la rivière du même nom (crocodile en Brésilien) menant à Joao Pesoa, je retrouve enfin, mon bateau, ma « maison active ».

L’ambiance est bonne dans la marina, les autres voileux sont cool, les apéros font légion, mais je ne suis pas dans le trip, hors de moi, hors du monde.

Je ne serai pas seul pour mon voyage, Sigolène et Olivier qui ont répondu à mes annonces doivent embarquer dans quelques jours. Tous deux intéressés par le projet d’explorer le monde sur Miss Terre. Mais où en suis-je? Suis-je prêt à repartir? Suis-je déjà assez fort?

Le bateau est dans un sale état, comme abandonné, plus rien ne fonctionne! L’environnement tropical humide et chaud ont eu raison d’un mauvais hivernage, de quelques petites fuites oubliées…
Il fait 40° à l’intérieur, je suis seul et fatigué, loin de mes illusions. Mais ma coque de noix doit être prête pour accueillir mes hôtes. Frigo, groupe d’eau sous pression, toilette, réchaud, bref tout ce qui est nécessaire à la vie à bord n’est plus fonctionnel et devra être dérouillé, détartré, désoxydé pour l’arrivée de mes hôtes. Sigo arrive pleine d’entrain à bosser avec moi deux jours avant l’arrivée d’Oliver, mais c’en était trop, je craque et plonge à leur faire subir les larmoiements de mon deuil de rupture

Tout va bien à bord!

Je partirai seul avec Sigo, Olivier ayant décidé d’offrir sa fougue et sa jeunesse à un couple d’âge mûr pour une traversée vers Cayenne.

Sigo se réveille, c’est son quart. Un grain, le dernier j’espère, nous surprend, on enroule le genois, borde le mouchoir de poche qui reste,on lofe et on réduit la grand-voile. On abat, on fait quelques miles. Et on remet toute la toile moins d’une heure plus tard. Dernier rappel de la ZIC (zone de convergence inter-tropicale).Je vais dormir et reprendrai ce texte à mon réveil.

Bientôt les Antilles, cool. Cet environnement facile avec shipshandler à gogo(r) m’offrant tous les accastillages nécessaires seront là pour me servir si besoin. Plus facile qu’au Brésil où franchement si on y mange pour pas cher dans les cantinas (1 ou 2 €), on ne trouve pas facilement le nécessaire pour nos barquettes.Je n’étais pas en état de descendre vers le grand sud, l’Argentin

e et Ushuaïa, comme nous vouli

ons le faire avec Di.

 

Cette facilité d’environnement m’offrira le cadre pour préparer la suite du programme et me remettre en forme : reconstruction du site en logiciel libre, constitution d’une bourse des équipiers selon la logique du partage et de l’échange à la mode des S.E.L. (système d’échanges locaux, qui ont entre autres aidé grandement les populations argentines lors du crash en 2000); aussi le prochain objectif d’exploration : Miss terre c’est notre maison; dont l’établissement d’un parallèle entre la vie sur notre planète et ma ch’tite maison active.

Terre en vue !

C’est la Barbade. Nous passerons à côté. Les îles anglaises n’aiment pas les chiens, pour les mettre en quarantaine, ou laisser le chien à bord. Alors, on continue.

La nuit suivante, je réduis la toile à trois ris dans la grand-voile et rien devant! Non pas qu’il y ait trop de vent. Mais fatigué comme je le suis je n’ai pas envie de faire un attero de nuit.

Levé du jour, la Martinique.
(qu’est ce qu’elle fait Martine? )

On jette l’ancre à St Anne. Ce mouillage aux eaux turquoises, juste devant le « cul de sac du marin », annonce le changement ! Tout va bien à bord !

Sauf que…

(A suivre)…