Les Antilles…autrement

juin 20, 2010 dans Des Nouvelles de Miss Terre, Deuxième voyage par igor

Ou la plaisance, c’est le bonheur !….
pour ceux qui résistent.

Tenter de vivre autrement… c’est à la mode.
Sortir des traces toutes faites, lever l’ancre vers le grand large, en accord avec soi-même et la nature! C’est Cool!

Mais vivre autrement ne serait-ce pas avant tout penser les choses différemment? Comme penser que votre chien peut barrer le bateau? Comme penser que la réussite n’est peut-être pas là où on le pense? Comme…. penser qu’un monde meilleur est possible?

Après 19 jours de mer entre le Brésil et la mer des Caraïbes, récits d’une aventure antillaise qui se terminera, simplement,… AUTREMENT….

Décidément mes tentatives d’exploration du monde mènent à de fiévreux méandres…

 

Si toutefois vous préférez imprimer ces nouvelles, vous pouvez le faire en cliquant ici. (.pdf)

Arrivée au cul-de-sac du Marin en Martinique, Sigolène, équipière de la traversée depuis le Brésil, rejoint son compagnon et débarque. Je me retrouve, à nouveau face à mes ambitions, mes objectifs, et mon prochain rendez-vous.

 

Eric (le webmaster du prochain site en construction ) arrive dans une semaine et… j’ai tant à faire : réparer l’annexe qui fuit misérablement, trouver d’où vient cette fuite récalcitrante du réservoir d’eau bâbord, faire l’entretien du moteur, boucher le trou du carbu du moteur de l’annexe, trouver un nouveau spi pas cher et à nouveau réparer le frigo dont le thermostat m’a rendu ses remerciements. Décidément, quand je faisais du charter, c’était plus facile (les sous étaient là). Mais non je ne veux plus de « clients » sur mon bateau. Ethique? Et toc ! Vivre autrement, ou se mettre des « bateaux » dans les roues?… décidément, le bateau, c’est pas la vie de château !

Le cul-de-sac du marin c’est sympa, plein de voileux de toutes espèces, du vieux baroudeur au jeune bateau-stoppeur, en passant par les familles en année sabbatique. L’ensemble s’harmonise lors de soirées à thème (anniv par ex. ) où les musicos font des boeufs pendant que les autres boivent et reboivent encore jusqu’à faire revenir « en plus cuit » les histoires d’autres ports d’Amsterdam ou d’ailleurs…

Le bar du Mango Bay est l’épicentre des échanges marins entre les plaisanciers bitu en fin de soirée et les après-midi liaison avec la métropole via le magique lien wifi (gratuit ) qui nous unit around the world (à condition de consommer avant l’happy hour of course).

C’est entre ce bar et le bateau que je passe mon temps à cogiter sur la suite du programme.

D’ici je repars, c’est sûr.

Objectif I : prendre des vacances pendant un bon mois.

Eric, ancien régisseur du théâtre des Variétés à Paris, marin, grimpeur à ses heures, a également bossé dans la construction de sites Internet passifs. Répondant à mes annonces d’utopiste rêveur dépressif (sic), Eric s’est mis à l’apprentissage de WordPress afin de participer au projet en tant que webmaster. Il a pas mal bossé, tenté différents thèmes et projets, et il est complètement ready pour se mettre définitivement à la nouvelle structure du site portail de l’observatoire du vivre autrement, en préparant le terrain pour l’englober au vaste projet de la future Fondation Miss Terre.

D’autres comme Antoine en Nouvelle-Zélande sont prêts pour le départ.

Objectif II : refaire une santé à la Miss au Vénézuela en préparant en même temps l’objectif III, l’explo « Miss Terre c’est notre maison » pour la saison prochaine aux Antilles, dès décembre 2010. Quelques contacts avec une bande de djeuns caméramen fraichement sortis de l’ IAD. Pour les images…

21 avril , Eric est là !

Tout va bien à bord, ou le chemin du bonheur!

Sauf que le moteur de l’annexe refait des misères, que l’annexe se re-redégonfle, qu’il faut encore changer des drisses fatiguées, qu’il y a encore de l’eau dans les fonds dont on ne connaît pas la provenance, que la cadène d’étai brisée au large de l’Amazone (voir article précédent) ne se répare pas si facilement:

– On ne soude pas une pièce comme ça monsieur, problème d’ionisation bipolaire de chaque coté de la soudure vous comprenez, il faut refaire une pièce neuve, vous comprenez , il s’agit de votre sécurité…
– Non je ne comprends pas…

Et finalement on trouve chez Tony et son atelier bric-à-brac LA soudure plus solide qu’à l’origine. Bref, j’en passe. Bref rien de grave, la routine du plaisancier, le chemin du bonheur…

La plaisance, c’est le bonheur!…seulement pour ceux qui résistent.

Après ce parcours du combattant depuis mon départ de Bruxelles, on lève l’ancre enfin pour prendre un peu de vacances maintenant…

Nos premières escales nous poussent vers la forêt tropicale et l’une ou l’autre jolies balades.

Puis cap sur la Dominique.
(qu’est ce qu’elle fait Domi? ).

Ministery of agriculture, Ficheries & the environnement

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Mouillage en Dominique, pied à terre.

Arrivés à Roseau où le débarquement se fait en général via le ponton de l’ Anchorage Hotel. On se fait stopper net.

– No dog here ! You can not enter in Dominica with a dog, please go back on your boat and let the dog there.

– But she need to go to do « pipi »?!…

– Please mister, she can be killed by the autorities.

On n’insiste pas, et de ce pas après avoir fait nos formalités d’entrée comme il se doit, nous nous rendons au ministère de l’environnement et de l’agriculture pour demander une autorisation spéciale pour le
chien-chien qui sera mon moteur renouvelable à terre…..

 

En effet, ces petites vacances servent également de prospection pour la saison prochaine où je souhaite traverser les Antilles à terre comme en mer à l’énergie renouvelable, à la recherche des hommes et de leurs idées pour vivre autrement (en harmonie avec notre planète). Soit le vent pour Miss Terre et Tamam pour me tirer à vélo, à la mode husky avec son harnais.

Nous sommes très bien reçu par le Dr Reginald Thomas Chief, veterinary officer du ministère de l’environnement qui comprend bien l’aspect ludique et en même temps didactique de l’expé et l’idée d’employer mon ami chien à la place d’un cheval-vapeur bouffeur de vieux fossiles.

Il nous propose « juste » de trouver une attestation de bonne santé du ministère de l’agriculture de l’île d’où on viendra la prochaine fois et on recevra les papiers ad hoc. Il propose même de contacter la presse lors de notre arrivée ! J’espère toutefois que l’on n’aura pas à faire cette manip à chaque île et reste circonspect.

Mais on garde confiance, l’île d’où on viendra sera la France et en France , tout ça c’est plus cool…

Cap sur la Guadeloupe. C’est chouette on est dans le projet, on s’amuse. Départ 6 o’clock.

Là, c’est complètement la Dingue, dis donc !

Escale aux Saintes, cet archipel au sud de la Guadeloupe, aux nombreux mouillages, un des hauts lieux de tout ce qui croise aux petites Antilles.

A peine arrivés, dès le premier apéro chez « Cécile », QG de l’école de voile de l’UCPA où la musique bat son train, on rencontre Céline, Thomas, Clément et Marlène, des expats de métropole.

Demain ils partent à la chasse sous marine. Il ont l’air bien branchés sur les spots. Et avec leur fusil de trois mètres de long à la do it my self, ils m’impressionnent ! Moi je ne connais rien de ce tout nouvel environnement pour moi. Je n’ai encore jamais plongé ici. Je m’invite, c’est fait demain on part à deux bateaux au Grand îlet pour la journée.

A peine la combinaison humide, à peine ai-je mis mes vieilles palmes dans l’eau qu’un poisson-soleil est embroché, suivi d’une langouste. Je m’accroche et tente de suivre, et comprendre. J’observe, prêt à profiter de la moindre info. Moi qui ai l’habitude en Méditerranée de prendre avant de chasser un temps d’acclimatation!…

Mazette ! Cela fait 10 minutes que nous sommes dans l’eau et Thomas se fait un plaisir à me décrire les poissons, à me dire que c’est pas si mal mon niveau (merci Thomas)…

Tout d’un coup un cri..

Lancé de Clément à Thomas :
Une carangue à plume ! Vite, fonce !

Des Indiens? Un oiseau ici? Thomas fonce effectivement, avec ses palmes en carbone aussi longues que son fusil (si tout est de la même taille! … ). Je tente , avec mes ancêtres de palmes, de suivre. Je parviens à voir la scène et vois les plumes voler. Sous l’eau, c’est dingue hein? A en tomber malade je vous dis !

Un poisson de 12kg, qui se débat pendant un bon moment, avec à coté, son mâle impuissant qui ne fait que suivre la corrida. Nous nous mettons à trois à travailler la bébête, un relais entre deux plongeurs et un autre qui tire les photos.

A en tomber malade je vous dis,

On parle de la ciguatera , cette maladie mortelle que l’on peut attraper en mangeant certaines espèces de poisson aux Antilles, surtout les plus vieux, les plus gros.

Clément et Thomas sont convaincus que notre carangue est saine, la ciguatera ne touchant que les îles au nord de la Guadeloupe, disent-ils.

Au soir à l’ilet Cabri, on se paye un barbecue dantesque de filet de carangue grillée, et crue au citron.

Le lendemain encore repus et avec le frigo plein de l’autre moitié de notre poisson plumé, nous invitons deux Kayakistes à manger notre butin à midi. Isabelle et Khalil (prononcez « Praline » ça marche !) .

Avant de se dire au revoir, je me sens bizarre, comme fiévreux, mais content de ma première plongée tropicale, ça promet!…. Je ne sais pas encore que ce sera la dernière…

Le lendemain matin j’ai 40° de fièvre et Eric ne connait pas encore le bagne qui l’attend !

Il téléphone à un médecin qui lui dit no problemo amigo c’est la dinge (dengue) . Paracétamol, dodo puis dans 5 jours, c’est fini.

Après 10 jours, j’en suis au même point : 2 couettes sur moi, dans la cabine avant en plein cagnard par 35°. Je délire, je suis incapable de manger, j’ai mal aux membres, aux articulations. J’ai un mal de tête à croire qu’elle va exploser. Bref, je me dis que c’est pas normal et on décide de lever l’ancre pour la Guadeloupe.

Opération urgence : finalement je n’arrivais plus à uriner, là j’étais inquiet !

CHU de Pointe à Pitre

Nous arrivons tant bien que mal en arrêtant la première voiture sur la route. J’ai une toute petite appréhension : 10 ans auparavant je me suis déjà retrouvé dans cet hôpital et me suis enfui tant l’état de l’infrastructure que le personnel était ….exotique. Rebelotte après 10 minutes, Eric me dit :
-J’ai l’impression d’être à la cour des miracles!
Depuis ma civière, je demande l’avis à un pompier de passage :
-Mon avis, dit-il, la meilleure façon de vous soigner est avant tout de sortir d’ici !

Le W.E. passe, voici 15 jours maintenant que je suis malade et je commence à m’inquiéter, ma voix est extrêmement faible, je n’arrive que très difficilement à faire quelques pas. Je suis….lessivé. Mes poches sous les yeux sont devenues des valises.

Enfin, je trouve un médecin, un vrai, une vraie. Une femme qui semble me comprendre, avoir de l’empathie. Quel changement. Elle m’envoie de suite dans un centre d’analyse. Son diagnostic est bien tranché : soit le palu, soit la leptospirose.

Je rentre tant bien que mal au bateau, à vélo (c’est plus facile qu’à pied, le taxi est trop cher comme le reste aux Antilles françaises d’ailleurs ) et là à peine arrivé, téléphone :
-Passez de suite à mon cabinet , il n’y a pas une minute à perdre vous devez prendre des antibiotiques tout de suite.

Eric et moi comprenons bien le ton inquiet du médecin.

Mais que ce serait t’il passé sans l’intervention du docteur Marie-Christine Faverial? …Ha simplement ça fait plaisir des gens comme ça ! so thank’s one more time Marie-Christine, si je peux me permettre !

Il fonce sur son vtt, une petite lampe bleue clignotante sur la tête. (non je rigole – mais il se dépêche disons).

Miss Terre est au mouillage en rade, nous devons rentrer au port illico, des effets secondaires graves, vu le retard de traitement, risquent de survenir. (Mazette!)

C’est dans un état second que je prends la barre, tandis qu’Eric lève l’ancre, prépare l’amarrage. J’ai du mal à faire entendre mes ordres de manœuvre, mais Eric, régatier sur vieux gréements sait y faire.

Ma maladie durera encore un mois,

Alité à me faire dorloter par mon webmaster.

Merci Eric, je ne sais pas ce que j’aurais fait sans toi. Il y a eu aussi Isabelle et « Praline », qui nous ont aidé grandement. C’était un peu comme une famille! Nous étions invité chez eux, une chambre m’attendait, au besoin.

Aussi Isa a prêté sa voiture pour nos quelques déplacements; jusqu’à des petits plats déposés dans le frigo de Miss terre en nos absences (un super gratin de giromon et fruit de l’arbre à pain)!

Le voyage c’est ça, là où on ne pense rencontrer que des problèmes, on trouve, comme par hasard, le vrai bonheur de la rencontre.

Je suis faible, très très faible, maigre à me faire peur. Je me regarde dans la glace et mon regard passe de mon dos à mes jambes… j’ai perdu mes fesses dans l’histoire.

J’aurai perdu 13 kilos pendant cette période. Autant vous dire, pour ceux qui me connaissent que la graisse est vite partie et que ce sont mes muscles qui ont été dévorés par ces sales bestioles. Terrible non ?

Igor amaigri, après la maladie / premiers pas…

Voilà mes projets qui s’effondrent encore. De mon deuil de rupture, aux bricolages incessants du bateau, à mon nouveau départ, puis choper la leptospirose, il y a là encore une nouvelle épreuve à franchir. Initiatique? Alors, là franchement, vraiment …..c’est pas fastoche.

Eric et moi parlons beaucoup de la suite du programme. Que faire dès que j’irai mieux? Eric était là pour construire le site Internet depuis le bateau, après un petit temps de vagabondage aqueux (comme Johnny). Voici, plus de deux mois qu’il est là (Eric pas Johnny), et, ….. la saison des cyclones arrive à grands pas !

Il faudrait partir d’ici pour être hors de la zone à risque.

Mais le Venezuela, dans mon état, seul, m’effraye. Je n’ai aucune force, et la perspective d’entamer un chantier, là-bas, pour rafraîchir ma « bi-coque aqueuse », comme il se doit ne m’enchante guère. Il fait trop chaud, trop loin, trop… tout. Que faire? Laisser tomber, vu mon état de faiblesse? La raison pourrait bien me l’imposer. Rentrer « à la maison » à Bruxelles et me reposer, me soigner? Laisser Miss Terre ici et revenir plus tard, vendre le bateau? Me voilà à penser à de bien sombres augures…

Quoique que…

Antilles autrement, épilogue.

En quelques jours, une semaine au plus, j’ai réussi à me lever, manger normalement. Anormalement, avidement d’ailleurs, et j’ai repris un peu de force…et d’espoir. Alors, j’ai décidé après toutes mes galères et les misères de Miss Terre, de poursuivre le voyage. Mais différemment, adapter à mon état mon milieu de vie. Poursuivre cette recherche du bonheur et, satisfaire simplement à mes besoins.

Finalement, c’est simple et évident non? C’est un peu ce que nous avons tous à faire sur notre terre, non? Trouver le lien entre nos besoins, leur satisfaction, et nos environnements (travail, famille, patrie..) et s’adapter …simplement? Et si finalement c’était ce lien, bien réel qui était le bénéfice de nos vies, plutôt que cette virtualité monétaire? P.I.B. Moi je vous dis, Plaisir intérieur Brut!

     

Miss Terre :
Une petite boule si fragile, suspendue dans l’immensité de l’univers